samedi 28 février 2015


Tu dois aimer danser pour pouvoir rentrer dedans. 
Je ne te donne rien en échange. 
Pas d'autographes à ranger. 
Pas de peintures à accrocher sur le mur, à poser dans un musée.
Pas de poèmes à imprimer et à vendre.
Rien d'autre que la sensation d'un instant où l'on se sent vivant.

- Merce Cunningham -

(Traduit par I.Broussy)


lundi 23 février 2015

Le ballet "Lamentation" ou l'histoire d'un nouveau langage...


À l'occasion de la nouvelle production de la compagnie new-yorkaise Martha Graham "Lamentation variations", réadaptation du ballet mythique de son répertoire "Lamentation"

J'ai voulu vous parler de l'histoire qui lie cette chorégraphie à la naissance d'un nouveau langage chorégraphique codifié à l'instar de la danse classique. Martha Graham incarne le début d'une nouvelle aire de la danse, où des chorégraphes vont travailler sur de nouveaux langages chorégraphiques.

Je suis née à New-York...
"Lamentation" fut crée en 1930 pour sa compagnie composée de femmes. C'est cette chorégraphie qui lui conférera le statut d'artiste avant-gardiste et qui rendra célèbre son style. "Lamentation" exprime l'essence de sa danse et technique. Si la plupart de ces ballets son narratifs, on peut dire de celui-ci est purement expressif, il exprime un état, une capacité, une réaction du corps. La capacité qu'a l'humain de se dilater et de se contracter à l'intérieur de son enveloppe corporelle. Elle exprime la douleur du corps et du chagrin qui tord, se contracte et qui s'abandonne pour mieux se replier.

La chorégraphe des pulsions..
Martha Graham est l'artiste des sens, des instincts qu'elle exulte. Esprit libertaire, seules les passions, les pulsions sont dans sa danse digne d'intérêt. Le désir féminin est un sujet omniprésent dans ses danses. Contraction et dilatation/relâchement de l'abdomen sont les mouvements sur lesquels est axée sa technique, c'est pourquoi ce ballet est si fondamental, c'est le résultat d'une exploration et observation qu'elle a fait d'elle-même et de ses propres réactions émotionnelles.

Entre la technique classique et la technique Martha Graham...
Si la danse classique est une codification des danses qui animait les cours de la renaissance, fait de mouvements qui s'élèvent vers le ciel. De Jambes et les bras isolés du buste. La technique Martha Graham est tout l'inverse. Inspirée de la philosophie orientale, elle recherche d'unité dans le mouvement dans sa source primaire.

Le langage de la danse classique suit la culture de l'époque où elle a été codifiée. Celui du siècle des Lumières où l'on valorise la pensée logique, les sciences, l'esthétique classique et où l'on dénigre l'illogisme, les superstitions, les instincts pour rechercher la noblesse et la hauteur d'esprit. Les mouvements du classique suivent cette aspiration, et l'on recherche la grâce, la légèreté et l'élégance.
C'est une philosophie opposée qu'exprime la danse de Martha Graham. Inspirée par la mode de "l'exotisme" des années folles, portée par le courant surréaliste et la diffusion des idées de Freud sur la psyché humaine, elle met l'accent sur l'expression primaire et libidinale.
Inspiration et expiration, contraction et relâchement, spiral et torsion du torse, sont les mouvements de base de sa technique. Contrairement à la danse classique, tous les mouvements des bras et des jambes suivent le mouvement initiateur du bassin et du torse. Un danseur de Graham porte son attention sur son buste qui initie le mouvement, les bras et les jambes ne font qui suivre le flux initié par celui-ci. Le jeu des tensions est un élément également important dans son travail, la' aussi si la danse classique recherche l'équilibre par la juste tension des forces opposées des muscles. Graham cherche au contraire à pousser à bout, à son apogée les tensions musculaires pour ainsi, après, mieux les relâcher. Cette façon d'employer le corps donne une très grande intensité dramatique à ses œuvres.

Démonstration d'un cours de technique Graham :




Relation à la musique... 
La musique de Zoltán Kodály accompagne parfaitement bien les élans de ses mouvements de "Lamentation". Martha Graham a fait le choix de cette musique, car elle s'accommode parfaitement bien à sa danse, à son rythme. Il accentue ses impulsions et ses tensions.

Comment on la regarde...
On regarde "Lamentation" de la même manière qu'une danseuse danse et appréhende sa technique. En acceptant d'aller en soi, dans son centre, dans ses profondes émotions. On regarde "Lamentation" avec les yeux de son corps, avec ses sens.


"Lamentation"
Choreographed by Martha Graham (in 1930)
Music by Zoltan Kodaly
Danced by Peggy Lynmann


















 

 

"Les nuits" à Fribourg cette semaine

Si places il reste, à ne pas manquer d'aller voir le 24 Févier, au théâtre de Fribourg "Équilibre" le Ballet "Les nuits" du chorégraphe Angelin Prejocaj


Il s'agit d'une adaptation des Mille et Une Nuits, chef d’oeuvre de la littérature orientale dont l’érotisme flamboyant a marqué l’inconscient collectif. Inspiré par Shéhérazade, conteuse prodigieuse dont le verbe et l’esprit désarment la barbarie, le chorégraphe français a concocté ici un feu d’artifice de mystère et sensualité pour repenser la place des femmes dans la société, sans violence ni objectification. Jeux d’ombres, parades amoureuses, langueurs de hammam et volutes de chicha entourent ainsi les corps de dix-huit danseurs dans un ballet sublime et envoûtant, épicé par un zeste d’humour et d’esthétisme provocant.

Plus d'info :  http://www.equilibre-nuithonie.ch/


Extraits

lundi 16 février 2015

La Giselle de Mats Ek



 "Je suis le ballet Giselle moderne, un chef d’œuvre de l'art chorégraphique, oubliez les tutus, les pointes, et venez me découvrir..."

Pour inaugurer ce blog, j'ai fait le choix de vous présenter une version revisitée du Ballet classique Giselle. Ce ballet qui fait le lien avec le titre de ce blog "Mania Dansante" car le livret originel et moderne du ballet Giselle parle d'amour, de folie, folie qui s'exprime par la danse. Mania Dansante étant le mon qu'on attribuait à un phénomène observé entre les XIVe et XVIIIe siècles où un groupe de personnes se mettaient soudainement à danser jusqu'à épuisement.

Je suis née en Suède...
Ce Ballet fut créé en 1982 par Mats Ek pour le Cullberg Ballet. Sa présentation au public chamboula le monde de la danse. Ce fut la première fois qu'un chorégraphe revisita un monument du répertoire classique et romantique : Giselle. A la présentation de ce ballet, certains crièrent au génie, d'autres au scandale.
Lorsque l'on regarde ce ballet, il faut se laisser emporter par l'intensité émotionnelle des personnages et faire abstraction du ballet classique originel, ce sont ceux qui n'ont pas su se détacher de l'esthétique du ballet romantique qui n'ont pas su à son époque l'apprécier.
  
Mats Ek chamboule les codes, s'il garde la tragédie romantique, il fait du récrit fantastique un récit réaliste à l'interprétation psychanalytique. Il transgresse le livret en changeant les éléments fantastiques, Giselle ne meurt pas mais sombre dans la folie. Le voyage d'Albrecht ne sera plus celui d'un prince dans une forêt fantastique à la recherche de l'esprit de Giselle, mais celui d'un voyage dans l'univers psychiatrique. Il n'est pas hanté par l'esprit de Giselle, mais par celui de ses remords. Le décor est fait de dessins et formes qui rappelle la trame centrale du récit : la folie de Giselle.


Mouvements et structure du ballet...  
Les mouvements sont une succession de formes dessinées avec grandeur dans l'espace ce qui les rendent très lisibles aux spectateurs. Ils sont liés de manière fluide dans un perpétuel mouvement qui utilise l'ensemble de l'espace scénique. Tours et sauts s'enchaînent, la chorégraphie est construite sur la base d'une règle chorégraphique que Mats Ek s'impose : utiliser l'espace et les mouvements dans toutes les dimensions et varier le type de mouvement. Dans le jargon de la danse, on qualifie ce ballet de « formel » et « néo-classique », « formel », car il met l'accent sur le dessin des formes des corps dans l'espace (par opposition à des mouvements construits autour d'énergies ou d'une qualité de mouvement). Néo-Classique car il utilise le vocabulaire de la danse classique comme sa base chorégraphique. Mats Ek, vire les pointes, transforme les mouvements légers, aériens, portés vers le haut du ballet romantique en mouvements puissants qui prennent racine dans le sol pour s'étirer dans l'espace.

C'est une chorégraphie que demande de la part des danseurs beaucoup de virtuosité, Ana Laguna qui incarne le rôle principal de Giselle dans le casting originel est éblouissante, et reste à jamais intrinsèquement liée à ce chef d’œuvre du ballet moderne.

Avec la musique... 
La relation de la chorégraphie à la musique est simple, les mouvements se calquent au rythme. La danse sublime et accompagne les impulsions et respirations de la musique d'Adophe Adam au point où l'on pourrait même penser qu'elle a été crée sur-mesure pour cette version.

Il était une fois...
Le premier acte se déroule à la campagne. "Giselle jeune Paysanne, est perçue comme la simplette du village. Albrecht jeune bourgeois, amusé par l'attitude naïve de la jeune villageoise, en fait son terrain de jeux et lui laisse croire à une idylle amoureuse. Quand Giselle découvre la vérité, elle sombre dans la folie. Torturé par le remords Albrecht part à sa rencontre dans l'hôpital psychiatrique où elle est internée... 
Le deuxième acte se déroule dans l'hôpital psychiatrique. "Albrecht torturé par le remords essaye d'aider Giselle, il n'y parvient pas et ce voyage dans l'univers psychiatrique se transforme en une forme de châtiment et chemin de croix intérieur... 


Extrait des scènes principales :

 

Le Ballet complet :
Musique : Adolphe Adam
Chorégraphie : Mats Ek 
Danseurs principaux : Ana Laguna, Luc bouy, Yva Auezely, Vanessa McIntosh avec le Cullberg Ballet.

vendredi 6 février 2015

La citation dansante du jour

Je considère comme gaspillée toute journée où je n'ai pas dansé.
F. Nietzsche


Fantomes

On attribue à cette poésie de Victor Hugo d'avoir inspirée le livret du ballet romantique "Giselle" et la légende des Wilis écrit par Henri Vernoy de Saint-George et Theophile Gautier.

 Fantômes.

I.

Hélas ! que j'en ai vu mourir de jeunes filles !
C'est le destin. Il faut une proie au trépas.
Il faut que l'herbe tombe au tranchant des faucilles ;
Il faut que dans le bal les folâtres quadrilles
Foulent des roses sous leurs pas.

Il faut que l'eau s'épuise à courir les vallées ;
Il faut que l'éclair brille, et brille peu d'instants,
Il faut qu'avril jaloux brûle de ses gelées
Le beau pommier, trop fier de ses fleurs étoilées,
Neige odorante du printemps.

Oui, c'est la vie. Après le jour, la nuit livide.
Après tout, le réveil, infernal ou divin.
Autour du grand banquet siège une foule avide ;
Mais bien des conviés laissent leur place vide.
Et se lèvent avant la fin.

II.

Que j'en ai vu mourir ! – L'une était rose et blanche ;
L'autre semblait ouïr de célestes accords ;
L'autre, faible, appuyait d'un bras son front qui penche,
Et, comme en s'envolant l'oiseau courbe la branche,
Son âme avait brisé son corps.

Une, pâle, égarée, en proie au noir délire,
Disait tout bas un nom dont nul ne se souvient ;
Une s'évanouit, comme un chant sur la lyre ;
Une autre en expirant avait le doux sourire
D'un jeune ange qui s'en revient.

Toutes fragiles fleurs, sitôt mortes que nées !
Alcyions engloutis avec leurs nids flottants !
Colombes, que le ciel au monde avait données !
Qui, de grâce, et d'enfance, et d'amour couronnées,
Comptaient leurs ans par les printemps !

Quoi, mortes ! quoi, déjà, sous la pierre couchées !
Quoi ! tant d'êtres charmants sans regard et sans voix !
Tant de flambeaux éteints ! tant de fleurs arrachées !...
Oh ! laissez-moi fouler les feuilles desséchées,
Et m'égarer au fond des bois !

Deux fantômes ! c'est là, quand je rêve dans l'ombre,
Qu'ils viennent tour à tour m'entendre et me parler.
Un jour douteux me montre et me cache leur nombre.
A travers les rameaux et le feuillage sombre
Je vois leurs yeux étinceler.

Mon âme est une sœur pour ces ombres si belles.
La vie et le tombeau pour nous n'ont plus de loi.
Tantôt j'aide leurs pas, tantôt je prends leurs ailes.
Vision ineffable où je suis mort comme elles,
Elles, vivantes comme moi !

Elles prêtent leur forme à toutes mes pensées.
Je les vois ! je les vois ! Elles me disent : Viens !
Puis autour d'un tombeau dansent entrelacées ;
Puis s'en vont lentement, par degrés éclipsées.
Alors je songe et me souviens…

III.

Une surtout. – Un ange, une jeune espagnole !
Blanches mains, sein gonflé de soupirs innocents,
Un œil noir, où luisaient des regards de créole,
Et ce charme inconnu, cette fraîche auréole
Qui couronne un front de quinze ans !

Non, ce n'est point d'amour qu'elle est morte : pour elle,
L'amour n'avait encor ni plaisirs ni combats ;
Rien ne faisait encor battre son cœur rebelle ;
Quand tous en la voyant s'écriaient : Qu'elle est belle !
Nul ne le lui disait tout bas.

Elle aimait trop le bal, c'est ce qui l'a tuée.
Le bal éblouissant ! le bal délicieux !
Sa cendre encor frémit, doucement remuée,
Quand, dans la nuit sereine, une blanche nuée
Danse autour du croissant des cieux.

Elle aimait trop le bal. – Quand venait une fête,
Elle y pensait trois jours, trois nuits elle en rêvait,
Et femmes, musiciens, danseurs que rien n'arrête,
Venaient, dans son sommeil, troublant sa jeune tête,
Rire et bruire à son chevet.

Puis c'étaient des bijoux, des colliers, des merveilles !
Des ceintures de moire aux ondoyants reflets ;
Des tissus plus légers que des ailes d'abeilles ;
Des festons, des rubans, à remplir des corbeilles ;
Des fleurs, à payer un palais !

La fête commencée, avec ses sœurs rieuses
Elle accourait, froissant l'éventail sous ses doigts,
Puis s'asseyait parmi les écharpes soyeuses,
Et son cœur éclatait en fanfares joyeuses,
Avec l'orchestre aux mille voix.

C'était plaisir de voir danser la jeune fille !
Sa basquine agitait ses paillettes d'azur ;
Ses grands yeux noirs brillaient sous la noire mantille.
Telle une double étoile au front des nuits scintille
Sous les plis d'un nuage obscur.

Tout en elle était danse, et rire, et folle joie.
Enfant ! – Nous l'admirions dans nos tristes loisirs ;
Car ce n'est point au bal que le cœur se déploie,
La centre y vole autour des tuniques de soie,
L'ennui sombre autour des plaisirs.

Mais elle, par la valse ou la ronde emportée,
Volait, et revenait, et ne respirait pas,
Et s'enivrait des sons de la flûte vantée,
Des fleurs, des lustres d'or, de la fête enchantée,
Du bruit des vois, du bruit des pas.

Quel bonheur de bondir, éperdue, en la foule,
De sentir par le bal ses sens multipliés,
Et de ne pas savoir si dans la nue on roule,
Si l'on chasse en fuyant la terre, ou si l'on foule
Un flot tournoyant sous ses pieds !

Mais hélas ! il fallait, quand l'aube était venue,
Partir, attendre au seuil le manteau de satin.
C'est alors que souvent la danseuse ingénue
Sentit en frissonnant sur son épaule nue
Glisser le souffle du matin.

Quels tristes lendemains laisse le bal folâtre !
Adieu parure, et danse, et rires enfantins !
Aux chansons succédait la toux opiniâtre,
Au plaisir rose et frais la fièvre au teint bleuâtre,
Aux yeux brillants les yeux éteints.

IV.

Elle est morte. – A quinze ans, belle, heureuse, adorée !
Morte au sortir d'un bal qui nous mit tous en deuil.
Morte, hélas ! et des bras d'une mère égarée
La mort aux froides mains la prit toute parée,
Pour l'endormir dans le cercueil.

Pour danser d'autres bals elle était encor prête,
Tant la mort fut pressée à prendre un corps si beau !
Et ces roses d'un jour qui couronnaient sa tête,
Qui s'épanouissaient la veille en une fête,
Se fanèrent dans un tombeau.

V.

Sa pauvre mère ! – hélas ! de son sort ignorante,
Avoir mis tant d'amour sur ce frêle roseau,
Et si longtemps veillé son enfance souffrante,
Et passé tant de nuits à l'endormir pleurante
Toute petite en son berceau !

A quoi bon ? – Maintenant la jeune trépassée,
Sous le plomb du cercueil, livide, en proie au ver,
Dort ; et si, dans la tombe où nous l'avons laissée,
Quelque fête des morts la réveille glacée,
Par une belle nuit d'hiver,

Un spectre au rire affreux à sa morne toilette
Préside au lieu de mère, et lui dit : Il est temps !
Et, glaçant d'un baiser sa lèvre violette,
Passe les doigts noueux de sa main de squelette
Sous ses cheveux longs et flottants.

Puis, tremblante, il la mène à la danse fatale,
Au chœur aérien dans l'ombre voltigeant ;
Et sur l'horizon gris la lune est large et pâle,
Et l'arc-en-ciel des nuits teint d'un reflet d'opale
Le nuage aux franges d'argent.

VI.

Vous toutes qu'à ses jeux le bal riant convie,
Pensez à l'espagnole éteinte sans retour,
Jeunes filles ! Joyeuse, et d'une main ravie,
Elle allait moissonnant les roses de la vie,
Beauté, plaisir, jeunesse, amour !

La pauvre enfant, de fête en fête promenée,
De ce bouquet charmant arrangeait les couleurs ;
Mais qu'elle a passé vite, hélas ! l'infortunée !
Ainsi qu'Ophélia par le fleuve entraînée,
Elle est morte en cueillant des fleurs !

Avril 1828. - Victor Hugo



jeudi 5 février 2015

"Une étrange maladie en ce temps
A envahi le peuple
Beaucoup de gens, par folie
Se sont mis à danser
Tout le jour et la nuit
Sans repos
Jusqu'à en tomber évanouis
Plusieurs en sont morts."


La Manie Dansante
 http://fr.wikipedia.org/wiki/Manie_dansante